Mort d'un village : ALTHEIM - 2/2

Publié le par Jean Marie PFISTER

Le repas de noces.

 

A présent, les réjouissances pouvaient s’emparer de tout ce brave peuple de paysans. On prit place sur les bancs autour des longues tables faites de simples planches. Les hommes à la table des hommes, les femmes entre elles. Seuls, les célibataires s’installaient par couple au gré des affinités, où de futurs mariages se dessinaient déjà. Fanny et Baschel se mirent parmi eux.

Le curé, debout à la table des hommes, donna le signal de la prière, et tous se levèrent un court instant.

On avait collecté la vaisselle de tout le village, et chacun retrouvait ses soucoupes de bois ou de fer étamé, ses cuillères de fer et ses couteaux. Les jeunes filles servaient le potage et les viandes, les garçons faisaient les échansons. Un brouhaha de foire, des rires, des bruits de vaisselle, des interpellations et des chants animèrent la place, qui pour un instant respirait une joie sans mélange. On se mit même à danser, mais pour toute musique il n’y avait que les chants et c’était sans doute mieux ainsi. Les vieux s’y mirent aussi gaiement que les jeunes. Fanny et Baschel ouvrirent le bal. Puis tout le monde se mêla aux farandoles, aux chaînes, aux rondes et à tant d’autres figures traditionnelles.

Mais déjà se déploya le long de la chaîne vosgienne l’élégant châle rose d’un splendide coucher de soleil. En octobre, les jours se sont déjà bien raccourcis, et il fallait songer au bétail avant la nuit. Fourrager, refaire les litières, traire, les travaux et les soucis quotidiens reprenaient leurs droits. Mais dans les cœurs, on sentait comme une contagion le bonheur de Fanny et Baschel.

 

Anselme II de Ribeaupierre

.

 

Aimant la bagarre, Anselme II de Ribeaupierre avait participé avec ses deux frères Ulrich le cinquième et Hermann, les trois aînés de Ulrich IV, à la guerre que l’empereur d’Allemagne Rodolphe de Habsburg avait faite à Ottokar de Bohème, et d’Autriche, de 1276 à 1278.

L’empereur avait également emmené dans son expédition son ami, le chevalier-trouvère alsacien Conrad Puller de Hohenbourg. Celui-ci avait écrit au cours de sa campagne devant Viennes de délicieux poèmes, où il exprimait sa nostalgie pour son pays et pour sa dame :

 

 

" Will jeman gegen Elsazen lant

der soll der Lieben tuon bekannt

das ich mich sêne… "

 

(Si quelqu’un retourne en Alsace, qu’il dise à ma bien aimé que je me languis d’elle…)

 

Pourtant Conrad de Hohenbourg était revenu au pays, tout comme Anselme mais pas ses frères. Le duc Ottokar de Bohème avait également trouvé la mort à la bataille de Marehegg en 1278. Rodolphe de Habsburg avait ainsi agrandi son domaine de l’Autriche, de la Styrie et de la Carniole. Ses descendants y ajoutèrent encore d’immenses territoires. Empereur d’Allemagne depuis 1273, Rodolphe I possédait également d’importants biens en Suisse et en Alsace, où il avait établit un Landgraviat, avec un bailli à Ensisheim.

Donc, revenu au pays, Anselme II se mit à assurer sa puissance et sa sécurité. L’empereur vint le trouver chez lui le 28 octobre 1281 de même qu’en 1284, où il passa deux jours au château du Haut Ribeaupierre. C’est à ce moment là qu’il accorda au chevalier Anselme le droit de fortifier la ville de Ribeauvillé. Partagée à cette époque entre quatre seigneurs, la ville fut divisée par des murailles en quatre quartiers. La Tour des Bouchers en témoigne encore. La ville supérieure ne fut pas close.

Le seigneur Anselme II avait des ambitions et des projets précis. Le château de Haut Ribeaupierre, qui dominait de ses 640 mètres d’altitude toute la plaine d’Alsace, les deux autres châteaux de la famille, ainsi que la ville de Ribeauvillé était son nid d’aigle réputé imprenable.

Le donjon de onze mètres de haut aux murs épais de trois mètres, cachait dans sa base une sombre oubliette dont on ne pouvait s’échapper. Et, pour n’avoir rien à craindre d’un siège, il suffisait d’amasser des réserves de vivres, de munitions, et de denrées de toutes sortes. C’est à cela que s’occupait à présent Anselme, sans le moindre scrupule. Du haut de son donjon un guetteur apercevait les caravanes de marchands se rendant aux foires de Strasbourg, de Sélestat, de Colmar. Malheur à ces gens s’ils avaient négligé leur protection. Quant à la viande, les pâturages en exposaient assez, qu’il suffisait d’aller cueillir. Le vin non plus n’y manquait pas. Une année Anselme prit à ses vignerons un quart de la récolte, ce qui faisait 450 voitures, soit plus de 5000 hectolitres.

 

Lorsqu’en 1287, après le décès d’Ulrich IV, la succession fut ouverte, Anselme accapara tout l’héritage et chassa du Niederburg (plus tard Ulrichsburg) son frère Henri II et son neveu Henri III, le fils d’Ulrich V. Ils étaient trop jeunes pour se défendre.

Cependant, Rodolphe de Habsburg, l’empereur d’Allemagne jugea de son devoir de faire justice et il chargea son bailli, le Landvogt Hartmann de Baldeck de rétablir le droit. Celui-ci obtint l’appui des villes de Colmar et Kaysersberg, qui avaient maints motifs de se plaindre du chevalier-brigand.

 

La punition.

 

C’est de Colmar donc que vint la nouvelle : fallait-il s’en réjouir ? Le pauvre peuple des villages savait que les soldats ne l’épargnaient pas lorsqu’ils hantaient le pays. A Altheim, comme dans les localités environnantes, on se mit en quête de cachettes pour le lard fumé, le vin, les grains et, peut-être pour les quelques deniers économisés. On enfouissait au fond du jardin le chaudron de fonte ou de terre cuite plein de grains de blé ou de fèves. Certes, on souhaitait ardemment une bonne défaite au Sire de Ribeaupierre. Mais hélas ! On le savait sûr de lui dans son château.

Le 20 mai 1287 on vit arriver des troupes nombreuses à pied et à cheval dotées de grosses machines de sièges et suivies de nombreuses voitures. Elles arrivaient par la grande route de Colmar mais aussi par la route du vignoble, et convergeaient vers Ribeauvillé. A partir de ce jour il y eut en permanence un guetteur derrière les volets du clocher, pour en observer les mouvements.

Il semblait qu’elles épargnaient notre village. Arrêtées un temps aux portes de Ribeauvillé, on les vit ensuite passer par la ville, car les murailles, à peine sorties de terre, ne pouvaient pas encore offrir de résistances. Et puis, toute cette petite armée s’enfonça dans la forêt en direction de Haut Ribeaupierre.

On apprit par la suite qu’il n’a pas été possible à la troupe de traîner jusqu’au château les machines indispensables pour enfoncer les portes ou les murailles. On se borna à quelques échanges de flèches, mais les assiégés semblaient en nombre, et bien moins vulnérables que les assiégeants.

 

La vengeance.

 

Au soir, du second jour, la levée du siège fut ordonnée car le repère s’avérait imprenable. Pourtant on n’allait pas se retirer sans avoir d’une quelconque façon puni le Sieur Anselme. Au matin du 22 mai le guetteur du clocher d’Altheim cria à tue-tête :

" Bergheim brûle ! Bergheim brûle ! "

De grosses volutes de fumée traînaient sur le vignoble. Bientôt les flammes prenaient des dimensions horribles, et tout ce gros village devenait une mer de feu.

Et puis soudain nos guetteurs descendus du clocher hurlèrent :

" Ils viennent ! Ils viennent !  Les soldats sortent du village ! Ils prennent la route ! Ils viennent par ici ! "

Alors ce fut une panique folle. Que faire ? Où aller ? Les femmes couraient dans tous les sens, en implorant le ciel ; les enfants, pris de contagion, pleuraient et criaient de terreur. La fumée de l’incendie de Bergheim obscurcissait le ciel, et présageait la catastrophe imminente pour Altheim. Tandis que les femmes affolées voulaient enfermer les enfants et le bétail dans les maisons, Grossjäckly ordonna, au contraire, à sa famille de fuir.

 

Sauve qui peut !

 

" Lâchez les bêtes ! Vite, en route pour Zellenberg ! "

Il se chargea de son vieux manteau de pèlerin et prit la miche de pain qui restait dans le coffre. Annele saisit une vieille cape et un bonnet ainsi qu’une cruche pleine de farine de seigle. Les enfants poussèrent les bêtes sur la voie romaine aidés par leurs deux gros chiens.

Les soldats qui quittaient Bergheim embrasé pouvaient être là dans moins d’une demi-heure ; il fallait donc tout précipiter. Kunrat, l’ami de Grossjäckly, imita celui-ci avec sa femme et ses trois enfants. Cependant la Rees, têtue et impotente d’ailleurs, déclara :" Moi, je reste. Je me réfugie dans l’église, sous la garde du Bon Dieu. "

Il fut impossible de l’en faire démordre. Il y eut aussi parmi les fuyards, le Thenige avec sa femme Amareyle et ses quatre enfants . Toute cette troupe, avec le bétail, arriva au carrefour des chemins. Grossjäckly et Kunrad dirigèrent leurs familles vers Zellenberg, dont les murailles offraient une protection certaine. Le Brunner Thenige opta pour Beblenheim ; il estimait Zellenberg encore trop près du danger.

Mais d’autres habitants d’Altheim jugèrent qu’il fallait rester sur place pour protéger leurs biens et éteindre les incendies éventuels.

Nos fuyards virent pourtant le Baschtian et sa femme Stéphanie qui semblaient s’être décidés de partir à la dernière minute. Ils quittaient le village en toute hâte et se retournaient à chaque instant : leur fils Baschel n’était pas avec eux.

Les apercevant depuis la vieille église du Bas Zellenberg, Kunrat remarqua: " Le Baschel n’est pas avec ses parents !

-Sûrement il est resté avec sa Fanny: Les Lux n’ont pas voulu partir, pensa à haute voix Annele.


Paroisse de l’évêché de Bâle, mentionnée en 1268, Zellenberg possède un Recteur en 1391 et son église se trouve au " nidere Dorf Zellenberg " emplacement du cimetière actuel.

C’est là que les premiers moines venus de Luxeuil peut-être dès l’an 570, avaient établi un petit prieuré, une " cella " avec son église. La désignation de " Brudergut " pour certaines parcelles existe toujours.

La guerre de Trente Ans a fait disparaître les dernières chaumières et a mis fort à mal l’église que le curé Bernard Speck a restaurée tant bien que mal en 1696.

Il y avait un orgue dans cette église et deux vieilles cloches, l’une de 1329 qui a disparu et l’autre de 1410 qui sonne encore dans l’église paroissiale actuelle.

-Evidemment, ajoutait Grossjäckly. Fanny a voulu rester auprès de ses parents, et Baschel ne pouvait pas la quitter. J’ai bien peur qu’avec Mischel, Markwart et quelques autres, ils voudront se défendre contre les soldats…

-Oh mon Dieu ! Quelle misère ! s’exclamait Katel. Et maman qui est restée là-bas !

-Oui, maman Rees qu’on ne pouvait pas arracher à son village. Espérons que les soldats vont au moins respecter l’église, ajoutait Kunrat pour la rassurer un peu.

-Allons, en route ! Nous ne sommes pas encore en sécurité ici, " lança Grossjäckly, en remettant la caravane sur le chemin.  Obsédé par le terrible danger que courait sa mère, il évitait d’en parler.

 

A Zellenberg !

 

Les enfants, qui poussaient devant eux les bêtes, arrivèrent les premiers devant la porte de Zellenberg. On avait baissé le pont-levis. Alors tout ce monde en fuite s’engouffra dans l’unique porte de la petite ville avec un gros soupir, à la fois de soulagement et de douloureuse résignation. Les habitants de Zellenberg les reçurent avec beaucoup de bonté et de compassion, et s’étonnèrent de les voir arriver en si petit nombre. Baschtian et sa femme avaient pris le chemin de Beblenheim comme les Brunner.

On remonta le pont-levis et on verrouilla bien la porte de la ville. Le prévôt avait mobilisé ses gens qui occupaient maintenant les murailles et les tours, armés d’arcs et de piques. Le château lui-même était gardé par une vingtaine d’hommes.

Comme Zellenberg n’était pas une possession du sire Anselme II, on ne craignait guère un siège.

Pendant que les femmes de la petite ville s’occupaient d’héberger les réfugiés, Grossjäckly et Kunrat montèrent au-dessus de la porte fortifiée d’où la vue s’étendait sur toute la plaine. C’est alors qu’ils virent, avec un serrement de cœur, d’immenses écheveaux de fumée sortir de leurs toits de chaume. Puis les flammes se firent gigantesques. Le vent du nord-est les agitait dans tous les sens, en tourbillons qui embrasaient tout sur leur passage. Bientôt l’église elle-même n’était plus qu’une torche monstrueuse. Alors Grossjäckly se sentit mal et dut s’asseoir. Que devenait sa mère à présent ? …

Il se leva brusquement en hurlant vers le brasier son désespoir, son impuissance, son immense détresse.

" Maman ! " Le prévôt qui l’avait accompagné et quelques autres Zellenbergeois le firent asseoir, essayant de le calmer et de le réconforter avec un verre de schnaps. Alors cet homme fort et grand comme un ours se mit à pleurer, à sangloter comme un gamin.

" Ah, misère, j’aurais dû rester ! Mais c’est pour mes enfants, pour ma femme que j’ai fui. Et elle ne voulait pas partir ! "

La troupe des pillards avait cerné le village d’Altheim et empêchaient donc les gens de fuir, de sortir du lieu. On les voyait repousser de leurs piques ceux qui essayaient de s’échapper . Le spectacle était atroce, insupportable.

Vers le soir de ce terrible 22 Mai 1287 on vit les soudards du Baldeck se rassembler sur la voie romaine. Puis ils se dirigèrent vers la route de la plaine et vers Colmar, pendant que les incendies illuminaient sinistrement le ciel du soir. Quelle désolation.

Et les puissants appelaient cela faire justice……

Ostheim ne fut pas incendié, étant propriété du sire de Horbourg, comme Zellenberg et Beblenheim.

Les réfugiés.

 

Le prévôt de Zellenberg s’occupa alors de parfaire l’hébergement des réfugiés et de leur bétail : il constata que son épouse avait presque réglé le problème car le cœur sait toujours trouver des solutions que la raison ignore. La nuit était tombée, on ne pouvait plus rien entreprendre.

Mais dès que pointa l’aurore, avec un chariot rempli d’outils, nos réfugiés et leurs femmes ainsi que plusieurs bourgeois du lieu accompagnés de leur curé descendirent vers le pauvre village anéanti et tout fumant encore.

Un sentiment d’horreur atroce, causé par des odeurs intolérables les saisit quand ils arrivèrent sur la place du tilleul. Sous l’arbre totalement roussi gisaient deux corps apparemment assassinés par les piques des soldats. En s’approchant Kunrat reconnut le jeune Baschel qui tenait encore la main de sa Fanny…

En 1252 Walter III (ou Gautier) de Horbourg construisit le château et fortifia l’agglomération de Zellenberg qui put alors s’enorgueillir du titre de ville.

La porte unique sur le côté nord, avait belle allure avec pont-levis et herse. Le mur d’enceinte mesurait une longueur totale de 540m avec une hauteur de plus de 7m et une épaisseur à la base de 1,30. A son sommet la muraille mesurait encore 0,90m, là où passait le chemin de ronde. La ville n’avait que deux tours rondes et solides aux murs de 1,50m d’épaisseur et au diamètre intérieur de 3,40m. Elles ont résisté jusqu’à nos jours.

Autour des murailles courait un fossé sec bordé d’un rempart de terre. Du côté nord, le fossé était partiellement en eau et constituait un étang de pêche et de lessive . (Wäsch)

Grossjäckly et sa femme se précipitèrent alors vers l’église. Par le portail ouvert on voyait à l’intérieur un amas de poutres calcinées et fumantes à moitié recouvertes de gravats et de tuiles. Toute la toiture et la charpente s’étaient effondrées sur les autels et les bancs en les incendiant à leur tour. Et on distinguait sous cet affreux fouillis, plusieurs corps calcinés, écrasés, absolument méconnaissables.

A ce moment arrivaient de Beblenheim le Brunner, le Baschtian et leurs femmes. Déchirantes scènes de retrouvailles sous le tilleul. Stéphanie, la femme de Baschtian, eut une défaillance et Thenige Brunner put tout juste la retenir dans ses bras ; il fallut la ranimer avec l’eau fraîche du puits et on l’installa sur l’un des chariots. Amereyle ne la quitta plus.

On parlait peu. Après avoir fait le tour du village et des ruines, les hommes se réunirent au cimetière ; on se concerta et aussitôt on se mit à creuser une large tombe. On y rassembla tous les morts, la plupart méconnaissables, qu’on avait trouvés dans les maisons, dans l’église, dans la rue. Le vieux curé d’Altheim put être identifié à cause de son crucifix de fer qu’il portait à une chaînette: il avait été écrasé par une poutre devant son autel.

Vers midi tous les survivants du drame ainsi que les bourgeois de Zellenberg et de Beblenheim qui s’étaient joints à eux, se rassemblèrent au pied de cette tombe ouverte et le curé de Zellenberg fit une courte et poignante cérémonie funèbre. La douleur était trop vive pour qu’on pût pleurer. Ces gens en prière se sentirent une dernière fois intensément unis à leurs proches et amis, à leur village mort, lui aussi.

Alors on referma cette immense tombe et on y dressa une grande croix de bois, faite de poutres calcinées.

Et puis on s’arracha à ce lieu si plein de souvenirs, à cette terre où des générations s’étaient enracinées et où on avait déposé maintenant tous ces être chers.

Tous s’en retournèrent, las, silencieux, comme vieillis, comme exilés, chassés de leurs terres, de leurs maisons natales.

 

Féodalité sanglante

 

Anselme II sachant qu’il n’en était pas quitte pour autant, chercha des alliés. Burckhart de Horbourg lui refusa son aide. Aussi Anselme envoya-t-il ses hommes incendier les villages de Burckhart. Quelques maisons brûlèrent à Béblenheim et à Ostheim mais les paysans surent disperser les soldats. Zellenberg, qui était fortifié depuis 1252 n’eut rien à craindre.

Alors l’empereur arriva lui-même avec une armée. Mais après trois jours de siège il se retira, lui aussi. Il avait eu vent d’une conjuration dans son propre camp : décidément Anselme avait des stratégies diaboliques.

Rodolphe de Habsburg laissa cinquante cavaliers à Zellenberg et construisit des fortifications en bois à Guémar, pour bloquer le brigand et surveiller ses sorties. Ce fut en vain, sans doute, puisque les hommes d’Anselme s’emparèrent, en Août 1287, du bétail des pâtres de Sigolsheim. Les pauvres gens qui vinrent au château pour réclamer leurs bêtes, furent emprisonnés, au nombre de 130 hommes, en même temps que des gens de Horbourg. Il fallut payer deux mille Marks de rançon ! (  …duo milia mararum solvere potuerunt … chronique des Dominicains de Colmar)

Le 17 mars 1288 Anselme II prit Saint Hippolyte qui était une possession lorraine. Comme la localité s’était défendue, elle fut pillée et incendiée. Il resta 130 veuves à Saint Hippolyte.

Au fond de la vallée de Sainte Marie il pilla 120 maisons paysannes appartenant au duc de Lorraine. Anselme avait en permanence trente archers à son service: ceux-ci vivaient aux frais des paysans. Les exactions du sire-brigand se poursuivirent donc encore quelques années, jusqu’à ce qu’enfin il se fasse prendre au piège.

Adolphe de Nassau, le successeur de Rodolphe de Habsburg, prit Colmar et emmena Anselme prisonnier dans son château de Souabe. Relâché en 1296, il fut contraint de partager sa seigneurie avec Henri II et Henri III et n’eut plus qu’un tiers de ses biens. On n’entendit plus parler de brigandages de sa part.

 

Epilogue

 

Après le drame qui avait effacé définitivement le village d’Altheim, les réfugiés décidèrent de ne plus le reconstruire, se sentant davantage en sécurité dans les villages d’accueil. En accord avec les réfugiés, les notables de Béblenheim et de Zellenberg décidèrent de demander l’incorporation de la banlieue de Altheim aux territoires des deux communes. Leur proposition fut acceptée par le bailli d’Ensisheim représentant l’empereur. Restée indivise entre les deux communes, comme l’indique le plan cadastral de 1763, la banlieue d’Altheim fut partagée pendant la révolution de 1789 selon le tracé du ruisseau de l’Altenbach.

Longtemps encore on put constater le site du village disparu : les ruines de l’église existaient encore près de la vieille fontaine au XVIIIe siècle. Et cette fontaine, un puits et une auge de grès monolithique, n’a été effacée que dans les années 1960, lors du remembrement de la section I de la banlieue de Zellenberg et de celle d’Ostheim.

 

Les plans directeurs indiquent encore l’emplacement de la fontaine qu’on rechercherait en vain de nos jours. Elle a été récupérée par le dernier propriétaire du terrain avant remembrement, monsieur M.F. et cédée à un habitant de la route du vin. Elle se trouve actuellement devant la maison n°13, route du vin.

Ajoutons qu’en 1536 la paroisse d’Altheim, avec son patron Saint Sébastien, fut incorporée à celle de Béblenheim. Et comme Zellenberg avait hérité sa part de banlieue, cette paroisse fit le vœu de fêter avec Béblenheim la fête patronale de saint Sébastien, le 20 janvier .

On sait que ce saint est invoqué tout particulièrement pour qu’il préserve les gens de la peste, si fréquente jadis. La procession votive du 20 janvier se faisait à pied, et ceci jusqu’en 1955, avec croix et bannières. Jadis, dit-on, c’est pieds nus qu’on y allait. Aujourd’hui c’est en voitures particulières, de moins en moins nombreuses, que se fait le déplacement.

Altheim, village vraiment disparu !

 

 

 

Marcel Pfister 1965

Publié dans HISTOIRE (Moyen Age)

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